Les moineaux
Les moineaux n’ont pas peur du froid
Comme les faibles hirondelles.
Voyez : dans la neige du toit
Ils font des fleurs avec leurs ailes.
Ils doivent avoir dans le sang
Et dans leur vêtement de plume
Un feu plus chaud et plus puissant
Que celui que l’amour allume.
Dans le vent et dans le grésil,
Pleins de courage et pleins d’audace,
Ils vont, joyeux comme en avril,
Ils vont, petits rois de l’espace.
Pour eux, qu’importent les saisons
Et les mouvements de la terre ?
Paix ou tempête aux horizons,
Rien ne change leur caractère.
Ils sont constants dans l’amitié
Et ne craignent pas les batailles :
Jamais ils ne crieront : Pitié !
Sous les coups et sous les entailles.
C’est pour la lutte qu’ils sont nés ;
Ils ignorent la défaillance ;
Quand la Mort les a condamnés,
La Mort s’émeut à leur vaillance.
Vous avez dit, un soir d’été :
« Aimez-moi, j’ose le permettre ;
« Je veux, perdant ma liberté,
« À vos dévoûments me soumettre. »
Mais dès que l’automne eut mûri
Le dernier des fruits et mon rêve,
Vous disiez déjà, l’air contrit :
« Il n’est plus de chant sur la grève. »
Et puis, quand l’hiver fut venu,
Quand Noël sonna ses volées,
Ma solitude enfin connut
Le tourment des larmes gelées.
J’acceptai sans haine mon sort ;
Vous aviez droit d’être infidèle :
Les moineaux seuls ont le cœur fort,
Vous aviez un cœur d’hirondelle.
J.-A. LAPOINTE.