Prière de Noël

 

 

Perles de neige, aux chœurs, s’étoileront les cierges :

Composez des colliers blancs pour les cloches vierges.

 

Composez des clartés pour les sombres esprits,

Pour les femmes en deuil, pour les hommes meurtris,

 

Pour les vieillards sans gîte et les enfants sans mère

Et pour tous les pécheurs dont la vie est amère.

 

Noël ! Rien ne peut être obscur. Noël ! Noël !

Illumine le soir, neige, joyau du ciel.

 

Minuit tinte. Chrétien, vois, ton âme s’allège.

Tombez, tombez plus dru, tombez, perles de neige.

 

Et vous, les carillons, éclatez, éclatez,

Sinon bien des petits seront désappointés.

 

Enfants ! Allez, joyeux, autour de ma détresse :

J’aime le rire clair et franc de l’allégresse.

 

Ne me demandez pas, pourtant, de partager

Les délices qui font votre chemin léger.

 

Le sort ne permet pas que je chante, sur terre,

Et vous me trouverez bizarre et solitaire.

 

Ma jeunesse n’a pas connu de rayons bleus :

Je suis né froidement par un jour nébuleux.

 

Et je dus frissonner toute ma nuit première

Au fond d’un berceau lourd, sous un toit sans lumière.

 

Mais pourquoi rappeler ces moroses instants ?

Seul comprendrait celui qui n’eut point de printemps.

 

Noël ne m’a jamais donné jouets, images,

Et j’ai vu tristement passer trop de rois mages.

 

Toi qui souffriras tant, ici-bas, bon Jésus,

Prends pitié des cœurs clos et des projets déçus.

 

Perles de neige, autour des hautes cloches vierges,

Étincelez. Au temple, on allume les cierges.

 

 

 

J.-A. LAPOINTE.

 

Recueilli dans Les soirées de l’École littéraire de Montréal, 1925.

 

 

 

 

 

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