Être deux
Pourquoi faut-il, Mon Dieu, qu’en la vie âpre et brève
Vivent seuls, à jamais, des êtres malheureux
Vous qui près d’un Adam avez créé une Ève
Établissant ainsi qu’il fallait être deux
Comme il est beau l’instant, ou déjà soucieuse,
La mère attend l’enfant, au détour du chemin
Qu’il est doux le moment lorsque, silencieuse,
La femme attend l’époux pour ·lui tendre la main
Revenir, dans le soir, vers la demeure vide
Où nul être, on le sait, n’attend votre retour
Avoir, au fond de soi, tant de tendresse avide
Qui, dans un cœur, ne peut s’épancher sans détour
Ne pouvoir deviner, tout au fond, près de l’âtre,
Une chère présence attendant l’être aimé
Dont le cœur angoissé ne peut que se débattre
S’il n’a point entendu le pas accoutumé
Savoir que nul écho ne retiendra la plainte
Que la porte, en s’ouvrant, sèmera sous l’auvent
Et que rien ne viendra souligner la complainte
Qu’un être solitaire exhale dans le vent
Malheur à l’homme seul, nous a dit l’Écriture
Soyez deux pour prier afin d’être entendus
Soyez deux pour aimer, car pour la créature
Le Bonheur fait son nid entre deux bras tendus
Héloïse LARRIBE.
Paru dans Art et poésie, reflets poétiques de l’ethnie française,
Anthologie des membres titulaires, agrégés d’honneur de la
Société des poètes et artistes de France,
sous la direction littéraire de Henry Meillant,
Jean Grassin éditeur, 1968.