L’arbre bon

 

 

Arbre bon, otage vivace de la paternité,

Arbre, largesse ébruitée par l’abeille,

Et moi, j’étais une absence étrangère,

Je n’étais pas rappelée de mon inutilité.

Quand tu grandissais jusqu’à l’âge sacré de ta tête,

Je n’étais même pas un germe dans le fleuve d’une race,

Quand tu faisais vœu de pauvreté avec l’hiver,

Je n’étais, pas un bourgeon dans les limbes de la neige...

 

Toi, tu te membrais de sagesse comme de branches,

Tu te connaissais à ton fruit le plus tendre,

Et moi, je n’avais pas de place sur l’écorce ronde,

Et quel vieillard prendrait goût à ma naissance ?

Tu menais sous terre un troupeau de racines

Ou tu jetais dans l’air tes terrasses de feuilles,

Et Dieu n’avait pas compté les cheveux de ma tête

Ni entassé le butin éclatant de ma mémoire.

Quand tu étais un frai de fleurs solitaires,

Une senteur plus large que ton embrassement,

Un baiser traversait la cendre et la chair,

L’amour migrateur me ramenait de mon néant...

 

Tu savais de science et d’audace le vent,

– Tu es une île verticale pour concilier les vents –

Dieu te parlait comme au prophète de son commandement,

Mais Dieu gardait un souffle pour parler à ma poussière.

Tu allonges sans fin ta tutelle sur mon toit

Et ce conseil est sommeil sur mon front ;

Je bois à même le lait noir de ton ombre

Pour me sevrer de la démesure de l’été.

 

Toi, tu es l’élan stable de ta haute requête,

Toi, tu n’as pas d’héritage dans la malédiction,

Moi, je serai ce mort cloué à ton bois vert,

Mais j’attendrai de loit cette force étrangère

Pour écarter ta croix et tes bras funéraires.

 

 

 

Rina LASNIER.

 

Paru dans Nation nouvelle

en avril 1959.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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