Lorsque j’étais une petite fille

 

 

Lorsque j’étais une petite fille, je savais que l’été se cache sous la robe fleurie du printemps comme une abeille piquante au cœur du chaud calice ;

 

je savais pourquoi je dessinais des insectes pareils à des fleurs et des fruits pareils à des astres ;

 

je connaissais la nuance de l’eau à l’aube et l’ombre de l’arbre où passait la ronde bleue des fées ;

 

je savais pourquoi les lilas fleurissent en mai aux pieds de la Vierge ; je devinais tous les signes de la Création.

 

Lorsque j’étais une petite fille, je m’étonnais qu’on appelât saleté le pollen doré dont je fardais la rose de mes joues ;

 

j’ignorais pourquoi seule ma poupée partageait mon émerveillement devant cette framboise assez grosse pour coiffer mon pouce ;

 

je ne comprenais pas pourquoi le pont de l’irréel s’effondrait sous les pas des grandes personnes ;

 

j’ignorais pourquoi l’enfance reste un royaume de solitude et de joie, j’ignorais jusqu’où la pureté rapproche de la Vérité...

 

 

 

Rina LASNIER,

Images et proses,

1941.