Noces
Lorsque je vais vers toi de toute ma chair,
Refaisant l’admirable dessin de la femme
Avec les lèvres et les mains, la lumineuse
Prise de ton corps vierge dans le mien,
Il n’est pas d’autre mer pour le fleuve que je suis,
D’autre ciel pour le cri de bonheur que je suis,
D’autre champ pour le germe d’amour que je suis,
Et je ferme le corps que nous faisons ensemble.
Et je peux à la fin déborder de mon être,
À ton ventre et ta gorge, estuaires de la vie,
Et nous reprenons souffle l’un dans l’autre, au vent
Venu des plus profondes vallées sensuelles,
Et nous sommes du rythme éternel retrouvé.
Parce que d’un baiser tu changes tout un monde,
Que j’anime les grandes forces pures de ta chair,
Qui n’avaient pas, enfouies, trouvé leur plénitude,
Et qu’au travers de l’instant nuptial, je sais être
Sur l’immense courant qui joint les solitudes
Des hommes depuis toujours, et la solitude divine
À la leur, et tout près, cette solitude de nous-mêmes,
À celle de la vie que nous faisons éclore.
Et qu’au-delà de mon amour, mais bien en lui,
Je refais l’admirable dessin de ton âme
Tel qu’il fut au sourire divin, avec les sens
De l’âme errant sur elle comme mes mains
Sur ton corps, pour retrouver celui qui m’a fait naître,
Au delà de cet engendrement indéfini de pères
Jusqu’à l’enfant qui nous ressemblera...
Patrice de LA TOUR DU PIN,
Une somme de poésie, Gallimard.
Recueilli dans Les poèmes du foyer.