Les liserons
Notre corolle est en soie
De différentes couleurs,
Mais elle n’a pas la joie
D’offrir au jour ses lueurs !
Jadis, étant très bien faites,
Nous charmions les papillons,
Et nous leur donnions des fêtes,
En nos cœurs de liserons.
Si bien que les fleurs, jalouses
De notre sort radieux,
De chagrin, dans les pelouses,
Fermèrent toutes les yeux.
En les voyant si moroses,
Le Seigneur, avec amour,
Dit : « Œillets, lilas et roses,
« Vous serez les fleurs du jour ;
« Et vous qui cherchiez fortune
« Avec l’insecte qui luit,
« Désormais, au clair de lune,
« Vous serez la fleur de nuit. »
Depuis cet arrêt, dociles
À la voix du Créateur,
Nous ouvrons, en inutiles,
Le soir venu, notre cœur.
Mais l’œil de l’astre nocturne
Posant sur nous un rayon,
Doit voir, au fond de notre urne,
Quelques pleurs de papillon !
Henri de LAVAL.
Paru dans L’Année des poètes en 1894.