Les fleurs qui se fanent

 

 

Elle avait dix-huit ans : « Viens, lui disait son ange,

                 « Viens, petite fleur du vallon ;

« Laisse le sol maudit. Oh ! je crains que la fange,

                  « Que le souffle de l’aquilon

« Ne flétrisse bientôt la vertu qui t’enflamme,

                  « Ton angélique pureté ;

« J’ai peur ! j’ai peur !... Oh viens, viens, livre-moi ton âme,

                  « Je suis jaloux de sa beauté !... »

 

Et l’enfant écoutait, souriante et rêveuse,

                 Le doux appel, non sans émoi.

Et la voix répétait, touchante, harmonieuse :

                 « Viens avec moi, viens avec moi !...

« Que tardes-tu, ma sœur ? Ne suis-je pas ton frère ?

                 « Donne-moi ta blanche main ;

« Voici des ailes ; viens, abandonne la terre

                 « Et nous serons au ciel demain !... »

Mais l’enfant, cette fois, devint triste, inquiète ;

                 L’ange devina ses douleurs ;

Tremblante, elle rougit, et, détournant la tête,

                 Longtemps elle versa des pleurs.

« Eh ! quoi ! partir ? déjà ?... Quelle amère tristesse !... »

 

                 Son cœur allait s’épanouir !...

Quoi ! quand tout souriait à sa belle jeunesse,

                 Hélas ! fallait-il donc mourir ?...

Mourir !... – « Beau chérubin, soupira la jeune âme,

                 « Vers le ciel, reprends ton essor !...

« Ne crains pas les plaisirs, va, mon cœur les condamne :

                 « Je ne veux pas mourir encor !...

« Tu reviendras bientôt. – Trop tard, répondit l’ange.

                 – « Je ne demande qu’un printemps !... »

Hélas ! quand il revint, l’aquilon et la fange

                 Avaient flétri les dix-huit ans !

 

 

 

Marie-Alix LAVIGNAC.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1896.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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