Les gueux au paradis

 

 

Oui, ce sont bien les gueux et bien leurs vieilles toiles,

Mais où donc les mena tantôt ce chemin noir ?

Qu’est-ce que tous ces yeux flamboyant dans le soir ?

La Mort les a fait choir au fond d’un puits d’étoiles.

 

Inondés d’une étrange harmonie, ils sont là,

Cherchant dans tout ce bleu les harpes de la pluie

Qui leur chantent cet air, sur les routes de suie,

Comprenant qu’ils ont dû se tromper de gala.

 

Ils n’ont qu’un brin de vent, eux, pour jouer aux portes

Cet archet n’est point bon pour les violes du ciel

On les retournera. Dans l’azur éternel

Ils iront tourner sans fin, pauvres feuilles mortes.

 

Au seuil du Paradis, le front encor pourpré

De la dernière course à travers les bruyères,

Ils se tiennent, honteux, dans le feu des verrières,

Leurs sabots noirs en mains et n’osant pas entrer.

 

Mais voilà que là-bas, le grand saint aux sandales,

Dans sa robe de bure aux trous pleins de rayons

Qu’il effile à courir les constellations,

À reconnu le bruit de ces pas sur les dalles.

 

Dans la forêt des palmes, François le saint gueux,

Les conduit au Seigneur dont le trône étincelle

Pendant qu’un ange essuie, au bout de sa longue aile,

La poussière au velours du tapis somptueux.

 

 

 

Carmen LAVOIE, Saisons de bohème, 1954.

 

 

 

 

 

 

 

 

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