L’hiver au cloître
La sœur tourière au cœur plus vaste que la lande
Loge au couvent, parmi ses pauvres de janvier,
L’Hiver tout blanc qui tremble en sa vieille houppelande
Et qu’on entend la nuit tousser sous l’escalier.
Dès la cloche éveillé, le vieux aux pas glissants
Se tenant à la rampe où passent leurs cortèges
Regarde défiler dans les brouillards d’encens
Les vierges dont le voile a le frisson des neiges.
Et restant là, perdu, dans l’aube qui bleuit
Son manteau plus criblé de trous que des guipures
Il laisse sur le sol choir les feuilles de gui
Qu’il va mettre en signets dans l’or des reliures.
Quand toutes ont quitté la voûte du chœur bas
Qui s’incline toujours comme un moine en prière,
Accrochant aux autels des lambeaux de frimas
Il monte alors souffler les cierges dans leur verre.
Mais les nonnes ont froid, on voit les chapelets
Rouler des doigts pâlis ainsi qu’une eau gelée
Pendant que le soleil allume les reflets
D’une palme de givre à la vitre étoilée.
Carmen LAVOIE, Saisons de bohème, 1954.