Le vieux marin

 

 

Tandis que le vent bat sa lanterne qui fume,

Le vieux passeur qui fit à la Vierge maints vœux

Songe dans l’embrun froid qui roidit ses cheveux

Où la mer de la vie a laissé son écume.

 

Il écoute râler l’eau rauque qui s’allume

Remontant les courants du passé ténébreux

Mais il n’apporte plus, dans le filet noueux

De ses souvenirs gris, que des lambeaux de brume.

 

Par moment, frémissant sous le rude tricot,

Son cœur bat, car il sait qu’il lui faudra bientôt

Las, seul et sans boussole, au fond de la nuit brune,

 

Rejoindre les marins du grand vaisseau d’azur

Dont son œil suit pensif, lorsque le soir est pur,

Les ombres s’embrouillant au hublot de la lune.

 

 

 

Carmen LAVOIE, Saisons de bohème, 1954.

 

 

 

 

 

 

 

 

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