Le clocher
On dirait que tu veux t’élancer jusqu’aux astres,
Et ton vieux coq par tous les vents malmené
Se hausse, téméraire, au-dessus des feuillages...
Petit clocher d’ardoises du village,
Ta cloche à plein cœur a sonné
Bien des baptêmes, bien des morts
Et bien des mariages...
Elle a tinté messe et matines,
Vêpres et complies ;
Elle a pris part à ces choses divines
Que notre époque oublie ;
Elle a chanté Noël et Pâques,
Et les saints sacrements dont les fiers ostensoirs
Faisaient scintiller comme un sacre
Leurs rayons d’or au fond du reposoir...
Tu songes maintenant sur ton église vide ;
Mais qu’importe ? En plein ciel
Ta flèche svelte érige
L’emblème de fierté dont nos cœurs ont besoin ;
Tu déchires la nue et tu restes pareil
À l’âme de ce beau pays qui ne veut point
Renoncer au soleil !
Philéas LEBESGUE, La Bûche dans l'âtre.