À Figline

 

 

Ô douce Figline, pays du grand Marsile,

Ô ville heureuse où tout me redevient facile,

Que je reste jamais auprès de ton Arno !

Avec toi, que j’échange un éternel anneau.

Depuis longtemps déjà durent nos fiançailles.

Vers toi je suis venu, meurtri de mes batailles.

À rencontrer ton cœur j’étais prédestiné.

Ah ! ne me laisse plus m’en aller, Figline !

Ton pèlerin arrive à cet âge sévère

Où l’homme sent qu’il a sa meilleure œuvre à faire.

Il lui faut le repos dans la stabilité,

D’ardents amis, un bel, un lumineux été,

Un automne, avec lui, songeant, le long des vignes,

De purs coteaux, menant d’harmonieuses lignes,

Des foyers où s’asseoir, toujours sûr de l’accueil ;

Et quand il descendra, comme tous, au cercueil,

Pour qu’il puisse y dormir, en cendres révérées,

Un beau Campo Santo, clair au fond des soirées.

 

Ainsi j’irai : mes jours couleront tels que l’eau

Du calme Arno, longtemps, jusqu’au lointain tombeau.

Je serai salué par les fils et les pères.

Il me plaira de voir leurs campagnes prospères.

Lorsque je passerai dans tes murs, les enfants,

Si je leur souris, bondiront triomphants,

Reproduisant mon geste et reflétant mon âme :

L’homme sera plus doux pour l’inquiète femme ;

Les mères me feront bénir quelque berceau ;

J’aimerai l’ouvrier, joyeux comme un oiseau ;

Je serai plus léger du fardeau que j’enlève

Aux hommes travaillés par leur orageux rêve.

Je leur dirai : Laissez tomber ce joug pesant ;

Goûtez le jour. Le Ciel est pour tous bienfaisant.

Figline, Figline, dans ta Collégiale,

Je chanterai tandis qu’un flot d’encens s’exhale,

Je chanterai les mots anciens, les mots sacrés,

Qui font les vivants purs et les morts délivrés.

Ainsi de jour en jour, par ta vertu secrète,

Grandiront à la fois le Prêtre et le Poète.

Si je te quitte un peu, ce sera pour aller

Vers la sainte Florence, afin d’y consoler

Ton Marsile, en sa tombe à présent délaissée ;

Puis, sortant de la nef solennelle et glacée,

J’irai vers le soleil. Tu ne m’en voudras pas

D’avoir porté là-bas mes pensers et mes pas,

Et de m’être mêlé, pèlerin qui s’isole,

Aux clartés, aux cyprès, aux roses de Fiésole.

 

 

 

Louis LE CARDONNEL,

De l’une à l’autre aurore, 1924.

 

Recueilli dans Louis Chaigne,

L’anthologie de la renaissance catholique : Les poètes,

Alsatia, 1938.

 

 

 

 

 

 

 

 

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