L’attente mystique

 

 

 

                              I

 

 

Ô mon Dieu, je reviens d’un long voyage amer,

Où j’ai lassé mon cœur, et d’où je ne rapporte

Que stériles regrets d’avoir tenté la mer.

 

Mon ivresse est tombée et ma superbe est morte ;

L’universel ennui creuse son vide en moi ;

L’Espoir, sans s’arrêter, passe devant ma porte ;

 

Le jour, quand il renaît, m’inspire de l’effroi ;

La nuit roule sur moi pleine d’horreur glacée ;

Je marche comme en rêve et sans savoir pourquoi.

 

Ah ! qui l’emportera dans le ciel, ma pensée ?

Qui fera s’égayer au doux soleil mon front ?

Qui la délivrera, ma poitrine oppressée ?

 

Enguirlandés de fleurs les printemps passeront ;

Puis les étés ardents, puis les automnes graves :

Mais, sans charmer mon âme, ils se succéderont.

 

Abandonné, lié de toutes parts d’entraves,

Sur le rivage mort où je suis exilé,

Je n’apercevrai plus, partout, que mes épaves.

 

Mon Dieu, venez remplir ce néant désolé !

 

 

 

                              II

 

 

Je cherche vos desseins, ô Maître, avec angoisse,

Me demandant toujours où vous me conduisez,

Pareil à ce feuillage errant que le vent froisse.

 

Ah ! qu’ils sont, par moments, terribles, vos baisers !

Pour me posséder mieux, dans votre jalousie,

Tous mes appuis anciens vous les avez brisés...

 

Moi qui me nourrissais de libre fantaisie,

J’ai traversé l’épreuve, ainsi qu’un âpre hiver,

Où s’est glacée en moi même la poésie,

 

Quels supplices nouveaux trouverez-vous, quel fer

Déchirera demain mon âme qui tressaille,

Ô tyrannique Amour, dont les soins coûtent cher !

 

Vous ne pouvez pourtant me faire à votre taille.

Vous le grand Bafoué, le divin Méconnu :

Et cependant voyez, comme vous, on me raille !...

 

Plus d’un m’avait aimé, qui n’est pas revenu ;

Les sages, inquiets, de côté me regardent :

Mon cœur est insulté quand je le mets à nu.

 

Et seul je crois encore à vos desseins, qui tardent.

 

 

 

                              III

 

 

Je veux me reposer sur les collines saintes,

Car j’ai longtemps marché par les sentiers humains :

Seigneur, emmenez-moi parmi vos térébinthes !

 

Lassé, le roi David allait prendre les pains

Gardés dans l’ombre, près de l’Arche d’alliance,

Vous seul, ô Pain vivant, vous apaisez nos faims.

 

Oh ! calme enivrement du Ciel goûté d’avance,

Brûlante effusion, et pleurs dans le secret,

Extase dans la mort, ardeurs dans le silence !

 

Simplicité de cœur si grande qu’on dirait,

Dans son dépouillement, notre âme devenue

Comme l’oiseau qui chante au fond de la forêt.

 

Voici qu’en nous, déjà, tremble une aile inconnue :

L’ineffable Beauté nous attire, et parfois

Passe l’auguste éclair de la Vérité nue.

 

Ah ! qu’elle est pénétrante, ô mon Dieu, votre voix !

Doux Abîme, de Vous mon âme est altérée,

Époux, je ne vivrai que penché sous vos lois,

 

Dieu jaloux, cachez-moi dans votre nuit sacrée.

 

 

Louis LE CARDONNEL.

 

 

 

 

 

 

 

 

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