Invocation d’automne
Automne merveilleux, Automne qui me dores
L’horizon de la vie encore cette fois.
Toi qui, si doux, épands les feux de tes aurores
Et ceux de tes couchants aux limites des bois,
Mélancolique Automne, avec qui l’on voyage
En des mondes de songe et de sérénité,
Bel Automne, pour qui, sous le dernier feuillage,
Un oiseau, mais tout bas, poursuit son chant d’été,
Toujours tu m’exaltas, saison harmonieuse ;
Ta flamme brûle encore en mes hymnes anciens :
Tu m’as tout pénétré d’une ardeur sérieuse...
Dis que tu le savais et que tu t’en souviens !
Pourtant, si je t’invoque aujourd’hui, cher Automne,
Ce n’est pas pour revivre aux luttes du passé,
Pour remettre à mon front une vaine couronne,
Et rendre un peu de lustre à mon nom effacé.
Que dans l’apaisement de cet octobre, meure
Ce qui n’est pas en moi le vierge attrait du Beau ;
Que, la Gloire ayant fui, le seuil de ma demeure
Semble à jamais le seuil délaissé d’un tombeau.
Loin l’orgueil, espérant des revanches tardives !
Uniquement épris d’un rêve aérien,
Je ne regarde plus vers les ingrates rives
Du monde aveugle et sourd, dont je n’attends plus rien.
Je ne veux contempler que de pures images :
Mon calme enivrement, c’est l’ampleur de tes cieux,
C’est ton azur à peine offensé de nuages.
Saison noble au divin rire silencieux.
Ta tendresse me parle et ma ferveur t’écoute :
Automne inspirateur, fais encor sous tes lois
Tomber, comme un cristal, mes heures, goutte à goutte ;
Mets invisiblement des cordes sous mes doigts ;
Et que, la mélodie affluant dans mes veines,
Ardente comme aux jours de ma jeune vigueur,
Sans désir de frapper les oreilles humaines,
Je chante seulement pour enchanter mon cœur...
Louis LE CARDONNEL.
Paru dans Toutes les lyres,
anthologie critique des poètes
contemporains, 1911.