Épithalame
Jeunesse abandonnée à tes rêves chantants,
Ma jeunesse, demain tu seras consumée ;
Mon avril n’aura pas connu de vierge aimée,
Je n’aurai pas servi l’Amour dans mon printemps.
Et lui, dont les jardins ont de magiques plantes
Pour nous rendre l’ivresse en notre lourd été,
Aux labeurs douloureux de ma virilité
Ne mêlera jamais ses trèves consolantes.
L’Amour qui me dédaigne et qui pourtant m’est cher
À jamais laissera mon âme vide et close :
Voici venir là-bas, sur la route morose,
L’automne qui se hâte et le précoce hiver.
Mon chant d’exil arrive à sa dernière note :
Il me faudra subir l’antique et sombre loi,
Sans que le bel Amour, l’aile ouverte sur moi,
Ferme en pleurant mes yeux, d’un baiser qui sanglote.
. . . . . . . . . . . . . . . . . .
Poète, c’est ainsi que ton âme profonde
En ses vingt ans hautains déjà se lamentait :
Ta plainte, par instants déchirante, montait,
De moi seul entendue, en ce désert du monde.
Tu ne demandais pas leur fièvre aux passions
Qui, plus que les chagrins qu’on veut tuer, vous rongent
Et jusqu’à l’aube pâle, avec rage, prolongent
En des bras méprisés leurs profanations.
Si parfois tu sentais leurs vertiges te prendre,
Alors, te redressant par un effort vainqueur,
Tu ne permettais pas qu’un moment, dans ton cœur,
Défaillît l’idéal, pur, héroïque et tendre.
Et dans tes songes fiers toujours plus exilé,
Poursuivant sans espoir ta sublime folie,
Loin du troupeau de ceux qui vont l’âme salie,
Tu rêvais quelque grand amour immaculé.
Louis LE CARDONNEL, Poèmes, Mercure de France.
Recueilli dans Les poèmes du foyer.