Action de grâces
Seigneur, vous m’avez bien aimé
Si la souffrance est une grâce
Quoi que je tente et que je fasse,
Chaque jour, je sens à ma face
Un trait de douleur imprimé.
Vous me courbez sur vos abîmes
Comme un animal révolté ;
Et j’y regarde reflétés,
Au delà de votre beauté,
Mes fautes, Peut-être mes crimes.
J’ai cherché, de mon pauvre cœur,
À tirer un peu de richesse
Pour l’universelle détresse :
L’homme douloureux me délaisse
Et s’enferme dans sa douleur.
Et ma peine, toujours, ma peine !
Par dessus tant de maux humains,
Au-dessus de tous mes chemins,
Vous m’avez frappé de vos mains
Par votre grâce souveraine.
Vous m’avez envoyé la mort
À la marche sournoise et sûre,
Et fait, après, une blessure
À la seule chair, tendre et pure,
Où je ne me sente pas fort.
Cette souffrance plus cruelle,
Mon cœur ne l’imaginait pas ;
Mais ainsi, devant tous mes pas,
Comme un mystérieux appât,
Vous m’en tendez une nouvelle.
Puissé-je savoir, seulement,
Qu’il vous plaît bien de me les tendre !
Pour me punir ? Pour me défendre ?
Ah ! Seigneur ; faites-moi comprendre
La force de mon dénuement !
C’est tout. Ma souffrance est complète.
Je n’ai sur moi rien conservé
Du monde que j’avais rêvé.
Devant votre corps élevé
J’adore. Et je courbe la tête.
Louis LEFÈBVRE.