LES TRISTES HOMMES TANT AIMÉS
Les tristes hommes tant aimés
Pour leur douleur et leur faiblesse,
Voilà leurs grands sanglots calmés ;
Et voilà donc qu’ils me délaissent.
Ah ! que leurs cris étaient touchants,
Dans la ville vaste et sonore !
Et je leur ai chanté mes chants,
Où tremble ma douleur encore.
Peut-être qu’ils les trouvaient beaux
Parce qu’ils les sentaient sincères.
Peut-être que ces pauvres mots
Étaient faits pour cette misère.
Car j’ai cru que ma vieille voix
Qui ne se sert plus des mots tendres,
En les jetant, tous à la fois,
Saurait encor les faire entendre.
Peut-être qu’ils ont entendu.
Les visages semblaient moins sombres.
Et puis, et puis, se sont perdus
Les hommes moins tristes dans l’ombre.
L’un s’en est après l’autre allé
Vers d’autres bruits que mes paroles,
En laissant seul et désolé
Celui dont la chanson console.
Louis LEFEBVRE.
Paru dans La Muse française en 1922.