Le chemin de la Croix

 

 

 

 

                            AGONIE

 

 

Je suis tremblant, pour les hommes, comme eux,

Devant la mort... Ah ! Père, si tu veux,

Ah ! Fais cesser l’abominable ronde !

D’effroi, le sang coule avec ma sueur :

Satan me montre, en un cercle d’horreur,

Tous les péchés, jusqu’à la fin du monde !

 

 

                                    I

 

Ponce Pilate, à bout de résistance,

A prononcé la mortelle sentence

Et s’est lavé les mains, pâle et hagard ;

Le Roi des rois, qu’on tire par la corde,

Sur le païen jette un profond regard

Plein de douleur et de miséricorde.

 

 

                                   II

 

Il n’a suffi d’endurer les épines

Et de sentir le fouet mordre ma chair,

D’ouïr le cri des foules assassines,

D’être vendu par l’ami le plus cher :

Il faut encore, ô Père, par surcroît,

Jusques en haut, porter la lourde croix.

 

 

                                  III

 

Le Fils de Dieu monte par les ruelles,

Souffrant pour nous des peines très cruelles,

Agonisant qu’on pousse vers la mort.

Hélas ! Voici qu’Il trébuche et qu’Il tombe.

« Père », dit-il, « pour que je ne succombe,

Soutenez-moi, car je suis loin du port. »

 

 

                                  IV

 

– Je t’ai donné ton humaine nature,

Je t’ai poussé vers tes grandes douleurs,

J’ai préparé pour toi cette torture,

Et je t’aime, ô mon Fils ! – Je vois tes pleurs,

Mère, je crois en ton amour fidèle,

Et Dieu nous garde unis dessous son aile.

 

 

                                  V

 

Vois celui-ci qui m’aide sans comprendre,

Et n’omets point, Père, de le lui rendre ;

Vois, de mon sang, ses vêtements tachés,

Son dos ployé pour ce rude halage ;

Père, vois donc, son effort me soulage :

Délivre-le du poids de ses péchés.

 

 

                                  VI

 

Je les chéris, ceux qui percent la foule,

Ceux qui ne voient, n’entendent que l’Amour,

Osent me joindre, en plein éclat du jour,

Sèchent mes pleurs, lavent mon sang qui coule ;

Fous pour le monde, ils viendront, d’âge en âge,

Et porteront en eux ma « vraie image ».

 

 

                                 VII

 

Père, guéris ces hommes au cou raide !

De festoyer, leur face est rouge et laide.

Leur corps est lourd, et leur œil méprisant ;

À leur ceinture, ils font sonner leurs bourses.

Pour eux, ton Fils, qui monte vers les sources,

Est retombé dessous le bois pesant.

 

 

                                 VIII

 

Ne pleurez pas, femmes sentimentales,

Les maux de Job ne durent pas toujours ;

Femmes, gardez, gardez vos faces pâles,

Vos airs dolents, pour des temps sans recours.

Pour les péchés, femmes, le Juste expie ;

Plus redoutable est le sort de l’impie.

 

 

                                  IX

 

Mon Dieu, mon Dieu, je rampe sur la terre ;

Le bois m’écrase, et me ferait mourir...

Ah ! viens, mon Ange, ah ! viens me secourir !

On tire à soi la corde qui me serre ;

On me relève, et mon pas chancelant

Se fait encor plus pénible et plus lent.

 

 

                                  X

 

Et me voici ! – Qui dit que je me cache ? –

Victime toute pure, agneau sans tache...

Hommes, sortez du tumulte charnel,

Venez, venez à mes sources d’eau vive !

Pour vous je suis laissé nu sur la rive,

Nu sur les bords du fleuve originel.

 

 

                                 XI

 

Quatre mille ans vous l’avez attendu,

Votre Messie, ô peuple d’Israël !

Et le voici, – mais est-ce bien réel ? –

Sur vos ordres, cloué, puis suspendu...

Que son pardon descende sur vos têtes

Avant le Jour des ultimes trompettes !

 

 

                                XII

 

– Jésus, mon Fils, que je meure avec toi ! –

Femme, voici, fidèle dans la foi,

Ton nouveau fils, jean, tenu hors de blâme ;

– Ainsi soit-il, mais ma peine grandit !

– Toi, Jean, voilà ta Mère. – Et jésus dit

Six paroles encor, puis rendit l’âme.

 

 

                               XIII

 

Épouvante et remords sont sur la ville ;

Sur le Calvaire, où la Croix se profile,

Joseph et Nicodème ont mis Jésus

Sur les genoux de sa Mère attendrie ;

Et Madeleine pitoyable, avec Marie,

Ont embaumé le Corps, selon les us.

 

 

                               XIV

 

Sur le brancard, par quatre hommes porté,

Jésus ressemble à l’Arche d’Alliance.

Debout, après avoir tout supporté,

Marie est là, qui garde confiance,

Et baise son Seigneur mis au tombeau.

Contrit, un soldat porte le flambeau.

 

 

                   RÉSURRECTION

 

Livre ton secret, beau jardin pascal !

Tombe de granit, porte de métal

N’ont pu retenir le Corps de lumière !

Que je dise à tous ma félicité :

Le Christ, mon Seigneur, est ressuscité,

Un Ange est assis sur la lourde pierre.

 

 

Je dédie ces strophes à la mémoire de ma chère Maman.

                                                             M. Le M.

 

 

 

Myriam LE MAYEUR, Le Chemin de la Croix, 1958.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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