Adieu à l’an qui fuit

 

 

Bel an qui fuis, adieu ! Naguère avec ivresse

J’acclamais ton retour, j’écoutais ta promesse.

De l’aigle ou du Simoun ta course a la vitesse.

 

Une fleur s’est fanée, et notre froide main

La laisse, hélas ! tomber sur le bord du chemin

Que d’autres, à leur tour, vont parcourir demain.

 

Le monde est-il meilleur et l’amitié, plus forte ?

À l’homme malheureux que la misère escorte,

Le riche avec plaisir ouvre-t-il donc sa porte ?

 

La bouche de l’envie est-elle sans venin ?

Le traître rougit-il de son lâche dessein ?

La paix est-elle acquise à tout le genre humain ?

 

Des princes s’écriaient dans leur orgueil stupide :

Nous règnerons sans Dieu. Notre bras intrépide

Peut défendre nos droits contre un sujet cupide.

 

Ils ont régné sans Dieu, comme ils se l’étaient dit.

Des ennemis du Christ la phalange applaudit.

La foi voila son front, et, triste, elle attendit.

 

Et l’esprit de révolte, ainsi qu’un vent d’orage

Qui fouette tout à coup les ondes d’un parage,

Fit tressaillir les cœurs d’une farouche rage.

 

Car le sujet pensait : Le peuple est souverain.

Les rois se disent forts, mais leur pouvoir est vain.

Les hommes sont égaux, s’il est un droit divin.

 

De tous les points du ciel viennent de noirs présages.

On se moque tout haut de nos pieux usages,

Et des plaisirs malsains attirent tous les âges.

 

Sur son axe vieilli l’univers a tremblé ;

L’audace de l’impie en ces temps a doublé :

Et le juste partout dans sa paix est troublé.

 

L’homme ne se croit plus qu’une fange pétrie,

Il désire la mort pour son âme flétrie,

Et la terre qu’il foule est sa seule patrie.

 

Il se complait au mal, il boit l’iniquité ;

Le mensonge l’attire, il hait la vérité ;

Pour une heure de joie il vend l’éternité.

 

C’est en vain qu’en ces jours les puissants de la terre

Recouvrent leurs desseins du voile du mystère,

Et cherchent à cacher l’effroi qui les atterre.

 

Le Seigneur tout puissant élèvera la voix,

Et leurs projets honteux crouleront à la fois,

Comme au souffle du vent les rameaux secs des bois.

 

Au jour de sa justice il vannera le monde ;

Au loin il jettera toute semence immonde ;

Il brisera l’espoir où le méchant se fonde.

 

Adieu, bel an qui fuis pour ne plus revenir,

Qui fuis comme un torrent que rien ne peut tenir !

Adieu, toi qui déjà n’es plus qu’un souvenir !

 

 

 

Pamphile LEMAY.

 

 

 

 

 

 

 

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