Les mondes
Il est bon, ô chrétiens, d’élever sa pensée
De ce monde visible aux mondes inconnus.
Il est bon de montrer la conduite insensée
Des hommes que souvent l’orgueil a retenus
Àl’ombre de la mort. Il est bon de se dire
Que l’astre merveilleux où nous fûmes jetés,
Est un vaste tombeau qu’il ne faut pas maudire.
Un jour il s’ouvrira pour les ressuscités.
Il est bon, quand la nuit est paisible, et l’espace
Rempli jusques à Dieu de soleils éclatants,
D’admirer l’univers dont la grandeur surpasse
Ce que diront jamais les calculs des savants.
Notre pensée alors s’unit, dans le mystère,
Aux pensers des humains qui peuplent tous ces lieux,
Et le rayon d’amour qui monte de la terre
S’accroît de monde en monde en se rendant aux cieux.
Qui peut jamais, devant le spectacle indicible
Que nous offre, la nuit, votre ciel étoilé,
Qui peut jamais, mon Dieu, demeurer insensible
Et ne pas deviner votre Verbe voilé ?
Qui ne sent pas, courbé sous ses douleurs profondes,
L’invincible besoin de prendre son essor,
Pour vous chercher partout dans ces étranges mondes
Que vous avez semés comme des sables d’or ?
Ô mondes étonnants que nul penser n’embrasse,
Poussière de soleils qui jouez devant Dieu,
Quel œil dans l’infini peut suivre votre trace ?
Quel esprit peut sonder vos entrailles de feux ?
Avez-vous, comme ici, des mers aux vastes ondes
Où des astres lointains mirent leur front vermeil ?
Avez-vous la vallée et la plaine fécondes
Où les fruits sont dorés par un brûlant soleil ?
Avez-vous des forêts où règnent les mystères,
Les fauves dévorants et les oiseaux chanteurs ?
Avez-vous des ruisseaux, des monts, des pics austères,
Des souffles embaumés et des vents destructeurs ?
Voyez-vous sur vos mers les rayons d’une lune,
Comme des glaives d’or descendre dans la nuit ?
Comme une frange blanche, avez-vous, sur la dune,
L’écume du flot noir qui s’avance ou s’enfuit ?
Et comme cette terre où, nous autres, nous sommes,
Naissant, mourant toujours, depuis des milliers d’ans,
Astres mystérieux, avez-vous donc des hommes
Créés d’une parole à l’aurore des temps ?
Et, comme nous encor, quelque péché funeste
Les a-t-il dépouillés de leur glorieux sort ?
Et, comme nous toujours, l’holocauste céleste
Les a-t-il rachetés de l’éternelle mort ?
Et chaque monde a-t-il son destin ? Et la vie
Diffère-t-elle encor dans cette immensité ?
Chaque globe qui roule en la plaine infinie,
Comme un roi de sa cour, est-il donc escorté
D’astres pareils entre eux, mais différents des autres ?
Ô séjours inconnus, avez-vous tour à tour,
Guerre et paix, joie et pleurs ? Avez-vous des apôtres
Qui vont proclamant Dieu, la science, l’amour ?
Pamphile LEMAY.