Aux Polonais
Ô peuples courageux, nobles cœurs, nobles âmes,
Ah ! vous avez voulu, comme il y a trente ans,
Secouer votre chaîne et relever les lames
De vos glaives brisés par ceux de vos tyrans !
Ah ! vous avez voulu, comme fait l’Italie,
Reprendre votre nom, malheureux Polonais !
Mais vos persécuteurs ont répondu : « Folie !
« Noyons, noyons encor dans leur sang leurs projets !
« Que dans leur sang toujours disparaissent leurs larmes,
« Étouffons leurs sanglots et leurs moindres soupirs,
« Foulons aux pieds leurs croix, leurs croix, leurs seules armes,
« Et l’ordre germera du sang de leurs martyrs ! »
Et puis, ils se sont dit qu’en étouffant la plainte,
Qu’en proscrivant le Christ, le deuil et les douleurs,
Et qu’en semant partout la terreur et la crainte
L’ordre devait sortir de leurs lâches fureurs !
Eh bien ! non, insensés, ce que le sang cimente
N’est point l’ordre brutal que vous voulez ancrer,
Mais votre main, du sang des victimes, fumante,
Creuse le noir abîme où vous devez sombrer !
Oh ! oui, vous sombrerez, pour le bonheur du monde,
Sous l’affreux ouragan déchaîné par vos mains,
Et la foudre aujourd’hui qui, sur vos têtes, gronde
Comme vous brisera vos odieux desseins !
Votre règne est passé. – Vous êtes des barbares,
Des êtres repoussant qu’on ne peut plus souffrir,
À la fois dangereux, ridicules, bizarres,
Les ombres d’une nuit qui va bientôt finir !
LE PROUX.
Paru dans La Tribune lyrique populaire en 1861.