C’est un ami

 

 

C’est un poisson qui n’a plus de pelage

C’est un oiseau que la mer a piégé

C’est un ami dans la force de l’âge

Qui d’un pays parle d’un paysage

Où l’âme attend le corps pour exister

C’est un ami que je ne connais pas

Il multiplie les pains et les gibiers

L’aube du large allume entre ses bras

Un fleuve, un arbre et une métairie

Ah ! cet ami que propage la croix

Son sang, sa chair, portent le paradis.

 

Il marche, il monte dans sa houppelande

Et les oiseaux l’entourent par milliers

Les geais, les pies, les merles lui demandent

Un chant nouveau pour changer de contrée

Les belettes le bénissent. Les plantes

Lèvent l’humus de ses morts préférés

Je voudrais voir cet ami pour l’entendre

Et le suivre sous les lunes lactées.

 

C’était au temps des châteaux, des chandelles

On veillait tard jusqu’à l’épiphanie

L’ami passait, disait tant de merveilles

Qu’on n’osait plus le croire qu’à demi

Il disait : Dieu rompt le pain et voici

Qu’à son image il pétrit ses pareils

Il penche l’âme et la chair au soleil

Sent le plaisir du jour qui la poursuit.

 

C’est un ami qui n’a que ce qu’il donne

C’est un ami de gloire et d’infamie

On le reçoit vivant parmi les hommes

Mais on le chasse avant d’avoir compris

Il s’éloigne vers la pâque aux poissons

Qui sautent dans le ciel par accalmie

Et les oiseaux que l’amour a choisis

Déploient le demi-jour de la saison.

 

 

 

Charles LE QUINTREC,

Actualité de la Poésie, Fayard.

 

 

 

 

 

 

 

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