Dans ce long paysage
Dans ce long paysage où l’été se résigne
J’ai plaisir à te prendre aux noces des sentiers
Tu ris. Ta robe est entrouverte et je devine
Ta peau pareille à la pulpe des peupliers
Dans ce long paysage où gîtent les gibiers
L’homme que je serai, passe par ta poitrine.
Ne parle pas. Ta bouche est capable du cri
Les belettes nous voient, les blaireaux nous écoutent
Sous les terrestres pommiers du paradis
Les poissons planent haut, les reptiles redoutent
Quelque piège d’amour au creux des éboulis
Et ton corps de panique en plainte se déplie...
Je t’imagine entre la lune et les ténèbres
Plus pâle et déjà plus humaine, mon aimée
Tu te raidis pour mieux me mordre, tu t’apprêtes
À redire les vieux mots de la volupté
Tes longues jambes nues, parmi les hautes herbes,
Me sont autant de délices que de dangers.
L’oiseau lent des sommets s’échappe de ma bible
Il a l’aile meurtrie et la patte blessée
Je te vois, je te veux... De grâce, aime-moi vite !
Je veux ton corps et ton âme pour les sauver
Dans ce pays de Pâque, où Dieu vient d’arriver
Pour l’amour de l’Amour, les vivants ressuscitent.
Charles LE QUINTREC, Les Noces de la Terre, Grasset.
Recueilli dans Panorama de la nouvelle poésie
d’expression française, Unimuse, Tournai, 1963.