Si le Créateur nous avait condamnés

 

 

Si le Créateur nous avait condamnés

À vivre résignés dans l’ignorance,

Il n’aurait jamais mis dans notre âme

Des désirs irréalisables.

Il n’aurait jamais permis que nous tendions

Vers ce qui ne doit pas s’accomplir ;

Il n’aurait jamais voulu que nous cherchions

La perfection dans le monde comme en soi-même,

Si de toute éternité il ne nous était donné

De connaître la plénitude bienheureuse.

Mais il y a en nous un sentiment sacré,

L’espoir, dieu des jours à venir ;

Dans l’âme où tout est si terrestre,

Il vit en dépit des passions ;

Il témoigne qu’il y a, dès à présent,

Au ciel ou dans quelque autre désert,

Un lieu où l’amour

À nous se présentera comme un ange de tendresse

Et où l’âme ne connaîtra plus

Le tourment de son angoisse.

 

 

 

Michel LERMONTOV.

 

Recueilli dans Anthologie de la poésie russe

du XVIIIe siècle à nos jours, par Jacques Robert

et Emmanuel Rais, Bordas, 1947.

 

 

 

 

 

 

 

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