Solitaire…
Solitaire, je sors sur la route rocailleuse
Qui luit à travers les brouillards ;
La nuit est silencieuse. Le désert écoute Dieu
Et l’étoile parle à l’étoile.
Qu’il est solennel, le ciel merveilleux !
La terre dort, auréolée d’azur...
D’où me vient donc cette douleur, cette peine ?
Est-ce une attente, un regret !
De la vie, je n’attends plus rien.
Du passé, je n’ai rien à regretter.
Je veux la liberté, le repos.
J’aimerais m’oublier, m’assoupir.
Mais ce n’est pas du froid sommeil des sépulcres
Que, pour l’éternité, je voudrais m’endormir ;
Non, je rêve qu’une force vivante palpite en mon sein,
Qu’en respirant ma poitrine paisiblement se lève,
Que nuit et jour, et choyant mon sommeil,
Une trop tendre voix chante sur moi l’amour ;
Qu’un sombre chêne verdoyant, éternel,
Sur moi se penche et murmure.
Michel LERMONTOV.
Recueilli dans Anthologie de la poésie russe
du XVIIIe siècle à nos jours, par Jacques Robert
et Emmanuel Rais, Bordas, 1947.