Le moulin
C’est le moulin
Qui moud le grain.
Le grain qui pousse au long des routes !
C’est le moulin
Qui fait le pain.
Le pain de ceux qui n’ont pas faim
Et celui des pauvres qui doutent
Si Dieu leur donnera le pain
Pour lequel ils prieront demain !
L’Été, quand il tourne au soleil
Et que, de ses géantes ailes,
Il appelle
Les blés couchés aux champs vermeils.
Il est la tour de l’opulence,
La tour du temple d’abondance ;
Et l’hiver, quand il geint dans le soir,
Qu’il tourne encore au clair de lune,
Il est, pour plus d’un et plus d’une,
La Vigie et le Phare et la Croix de l’espoir !
C’est le moulin
Qui moud le grain,
Le beau blé d’or du bord des routes.
C’est le moulin
Qui fait le pain !
Du pain pour les pauvres qui doutent
Si Dieu leur donnera, demain,
Le pain dont ils ont faim !
Quand le meunier, par sa lucarne,
Voit des blés jusqu’à l’horizon,
Il songe au bon pain qu’ils incarnent,
Il songe à la bonne moisson,
Il sait que la brise caresse
Les blés onctueux et lourds
Qui se couchent avec paresse
Et s’enlacent avec amour ;
Dans leur rythme de vagues blondes,
Ils viennent pour nourrir le monde
Et semblent ramper au moulin !
Il voit déjà, par les ornières,
Les bœufs, traînant avec effort,
Sous des averses de lumière,
Les chariots d’or !
C’est du blé pour moudre au moulin !
Le beau blé d’or du bord des routes !
C’est du blé pour faire le pain,
Du pain pour les pauvres qui doutent
Si Dieu leur donnera demain
Le pain dont ils ont faim !
Grégoire LE ROY.
Recueilli dans À la gloire de la Belgique,
anthologie de la littérature belge, 1915.