Novembre

 

 

Sur les bois roux, sur les champs nus

Le ciel pleure, tout fait silence !

L’oiseau, vers des bords inconnus,

Vers le soleil, fuit, – et je pense

 

Aux jours d’avril, aux jours joyeux,

Aux chansons des vertes futaies,

Aux moissons d’or sous les beaux deux,

Aux doux nids cachés dans les haies.

 

Tout le long des jours et des nuits

Devant l’âtre où la flamme danse,

Les vieux tisonnent leurs ennuis,

Leurs rêves d’antan, – et je pense

 

À ma jeunesse, à mon amour,

À mes espoirs, si bleus, si roses,

À mon cœur donné sans retour,

À tes yeux, à tes lèvres closes.

 

C’est novembre, le temps des pleurs.

Le glas sonne le deuil immense.

Aux chers tombeaux portez des fleurs

Et des prières ; moi, je pense

 

À nos marins, à nos soldats

Couchés loin de leurs cimetières,

Aux oubliés qui n’auront pas

De fleurs, d’encens ni de prières !

 

 

 

Jean LE SAGE.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1893.

 

 

 

 

 

 

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