La lampe du sanctuaire
Petite lampe solitaire,
Humble gardienne du saint lieu,
La seule flamme sur la terre
Qui se consume pour son Dieu ;
Toi qui mollement balancée,
Là-haut sous le dôme bruni,
Rayonnes suave pensée,
Te recueilles rêve infini.
Le soir lorsque l’angelus tinte,
Que la nef profonde est sans bruit,
Je me glisse dans son enceinte,
Pâle adorateur de la nuit.
Fuyant les vulgaires cénacles
Où la foule rit jusqu’au jour,
Au pied des divins tabernacles
Je me prosterne avec amour.
Dis-moi pourquoi tant de silence
Sous la voûte, abri redouté ;
Est-elle moindre, la présence,
La nuit, de la Divinité ?
Il est muet l’orgue sonore
Tonnant sur les fronts prosternés,
Et de son peuple qui l’adore
Se taisent les chants alternés.
Pas d’encens embaumé qui fume
Et monte des urnes d’argent ;
À l’autel que la fleur parfume
Pas de visiteur diligent.
Ô lampe, seule au fond du temple
Où ton pieux éclat me fuit,
Mon œil recueilli te contemple
Et veille avec toi dans la nuit.
Que l’indifférence préfère ·
Un feu profane à ta clarté,
Qu’elle n’aille se satisfaire
Qu’au banquet de la volupté ;
Moi je veux, ô lumière pure,
N’être esclave que de la foi,
Et dans cette demeure obscure
Veiller et prier avec toi.
Paul LESTOURGIE.
Paru dans La France littéraire, artistique, scientifique en 1860.