Les mains maternelles
Il faut les vénérer, les chères mains, fidèles
Et le jour et la nuit à leur devoir obscur,
Instruments délicats de l’amour le plus pur,
Tendres mains maternelles !
Sur le front de nos fils, ô les mains bénissantes
Que ne surchargent point d’inutiles anneaux !
Vous dominez le monde en poussant les berceaux,
Frêles mains si puissantes !
Mains pâles des mamans où se lit leur souffrance,
Où la plus mince veine inscrit son bleu réseau,
Laissez-nous vous baiser comme on baise un drapeau,
Mains pleines d’espérance !
Quand l’angoisse saisit nos âmes défaillantes,
Ou que notre horizon par degrés s’embrunit,
C’est vous qui vous tendez vers l’azur infini,
Nobles mains suppliantes !
Ô mères, patients sculpteurs des jeunes âmes,
C’est au creux de vos mains, comme en des nids charmants,
Que viennent se blottir les petits cœurs aimants,
Ô douces mains des femmes !
Tandis que trop de mains, pour rester les plus belles,
D’un geste criminel repoussent les enfants,
Vous cultivez les fleurs de nos futurs printemps,
Vous, les mains maternelles.
Et le grand jour venu, seules vos mains vaillantes,
Vos fières mains sans tache, ô les mères sans peur,
Oseront sans remords étreindre du vainqueur
Les rudes mains sanglantes.
(Écrit pendant la guerre.)
Pierre LESTIENNE.
Recueilli dans Poètes de la famille du XVIe au XIXe siècle, Casterman, s. d.