Prière
Je vous offre, Seigneur, mon cœur plein d’innocence ;
Je n’ai pas renié le Dieu de mon enfance.
Dans l’ombre, cependant, j’ai couru bien des pas,
Pour vous chercher, Seigneur, où vous n’habitez pas.
Je voulais contempler la vérité première
Dans l’étincellement de sa pure lumière.
Ma pensée, au-delà des mondes temporels,
N’a trouvé que le vide et l’azur éternels.
J’ai compris que les murs de votre âpre demeure
S’érigent par delà le domaine de l’heure.
Les comètes, Seigneur, comme les nations,
Subissent les déclins et les mutations :
Mais vous, vous déployez vos bras inaccessibles
Hors des regards humains et des formes sensibles.
Pourtant, je vous pressens tout près, confusément ;
Notre obscurité naît d’un éblouissement :
Ce que nous appelons la nuit est la prunelle
Qu’un œil mystérieux penche d’en haut sur elle.
Jusqu’à ce que votre aube éclaire l’horizon,
Le silence est encor la meilleure oraison.
Sur la pente assignée à mon destin rapide
Je verserai mon âme ainsi qu’une eau limpide,
Et, le jour où la mort me saisira la main,
Tranquillement vers vous je ferai le chemin,
Pour vous offrir. Seigneur, ce cœur, que vous formâtes,
Plein d’amour comme un vase odorant d’aromates.
Maurice LEVAILLANT,
Le Temple intérieur, 1910.