Un soir...

 

 

Un soir, je lui lisais « La lettre à Lamartine »,

Cri de l’âme fondu dans un sanglot divin,

Chant du cygne blessé, désespoir qui s’obstine, –

Bien sûr que, hors d’aimer, ici-bas tout est vain.

 

Il nous semblait ouïr, houleuse, ivre devin,

La foule, en folle humeur de chanson libertine,

Reine de carnaval qui sur les cœurs piétine,

Pétrissant la douleur de son joyeux levain.

 

Et quand, pris de dégoût pour l’odieux partage,

Le naufragé d’amour, qui n’a plus foi qu’en Dieu,

Jette enfin vers le ciel l’ancre de sauvetage,

 

Elle, en mes bras tombant, murmura cet aveu :

« Comprends-tu que l’on parte et qu’on se dise adieu ? »

– Et nous ne lûmes pas, ce soir-là, davantage.

 

 

Stéphen LIÉGEARD.

 

Paru dans L’Année poétique en 1906.

 

 

 

 

 

 

 

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