Le chemin de lumière
Vers l’horizon vague où tout s’effaçait,
Dans la nuit printanière,
Sur l’océan noir la lune traçait
Un chemin de lumière.
Ce chemin d’or pâle, où conduisait-il ?
À l’amour ? Au mystère ?
Au saint idéal ? Au serein exil
Des choses de la terre ?
Je n’en savais rien. Mais qu’il était beau,
Dans sa clarté si tendre !
Il semblait poser à peine sur l’eau...
Qui pouvait-il attendre ?
Quel ange allait venir de l’infini,
Dans la nuit printanière,
Par le chemin d’or, le chemin béni,
Le chemin de lumière ?
Hélas ! je n’ai vu nul ange du ciel
Marcher sur les flots mornes
Et rien n’a troublé le deuil solennel
De l’horizon sans bornes.
Alors j’ai maudit le chemin menteur,
Le beau chemin perfide
Qui m’avait fait voir un monde enchanteur
Dans l’immensité vide.
Mais mes rêves purs – eux que j’aimais tant ! –
Dans la nuit printanière
M’ont abandonné, pour suivre en chantant
Le chemin de lumière.
Depuis, du ciel clair, des astres lointains,
Souvent leur voix m’appelle.
J’entends, dans les soirs et dans les matins,
Passer l’hymne éternelle.
Et je suis heureux – bien que toujours seul
Sur de sinistres grèves
Qu’un neigeux hiver couvre d’un linceul –
Car ils m’ont dit, mes rêves :
Un jour ton âme ira vers l’infini,
« Dans la nuit printanière,
Par le chemin d’or, le chemin béni,
Le chemin de lumière. »
Jean LIONNET.
Paru dans L’Année des poètes en 1895.