Inconstance de ce pauvre monde
changée en permanence
Poème funèbre pour Nils Fahlberg,
inhumé le 8 février 1719
Fragments
Ce monde, quel est-il ? Une prairie où poussent
Des orties endeuillées, un hospice de style
Pour patients, un Cana où l’eau se mêle au vin,
Une auberge où nous sommes traités en étrangers.
Et notre vie, de quelque nom que tu la nommes ?
Une fleur qui éclot afin de se faner
Une claire chandelle, et qui devra s’éteindre.
Voici déjà la fin avant que tu commences.
Notre vie, réponds-moi ! À nouveau, quelle est-elle ?
Un verre qui se brise au moment de briller.
Une aube qui ressemble au couchant, rouge aussi.
Quand nous naissons, notre sanglot déjà
Est un dernier soupir.
Et toute notre gloire ? Une poussière au loin.
Une échelle trop haute, même pour Haman1,
Une belle fusée qui dans le ciel éclate.
Le sein d’une nourrice et qui tarit soudain.
Et toutes nos richesses ? La geôle des gens libres !
Et l’appel du chasseur qui nous prend au filet.
L’excrément de la terre, misérable en ses coffres.
Une boisson qui rend esclave jusqu’au sobre.
Qu’est-ce la volupté ? Un paradis d’épines,
Aux arbres défendus donnant des fruits de mort,
Où l’antique serpent continue ses leçons,
Où se font des couronnes qui seront mortuaires.
Qu’est-ce que l’homme enfin ? Du temps le rêve fol,
Une ombre dans des jours qui passent bien trop courts.
Un laurier flétri de la cime aux racines,
Une épave en dérive sur les flots de l’angoisse.
Carl Johan LOHMAN.
Traduit du suédois par Jean-Clarence Lambert.
Recueilli dans Anthologie de la poésie suédoise, Seuil, 1971.
1. Favori du roi Xerxès, il fit un songe célèbre.