La colombe de l’arche
Sur de funèbres eaux la colombe envoyée,
Cherchait, pour reposer, un bois aux dômes verts,
Le demandait en vain à la terre noyée,
Et d’un vol attristé rasait les flots déserts.
Il faut à la colombe frêle
De l’air, un champ d’azur, la source aux bords étroits,
Puis une colombe comme elle
Pour errer dans la paix des bois.
Mais le monde est rempli de deuil et de menace :
Haut, cherchant du regard, l’oiseau s’est élevé,
Et son œil a sans fruit interrogé l’espace,
Et son regard n’a rien trouvé.
L’eau morne envahit tout et couvre les monts mêmes ;
Rien de vivant n’a surnagé ;
Partout de noirs débris et des cadavres blêmes :
Le Tout-Puissant est trop vengé.
La colombe a repris vers la prison de l’arche
Son vol découragé : que ce monde est amer !
Et, triste, auprès du patriarche,
Elle songe à l’horrible mer.
Ainsi, d’un bel espoir charmées,
Couraient vers un ciel bleu, qu’amour leur faisait voir,
Des vierges dignes d’être aimées ;
Le monde a trompé leur espoir.
Elles méditent en silence.
Dans des jours apaisés, de vieux évènements :
La fragilité des serments,
Les mensonges de l’espérance.
F. LONGUECAND, Cigale.
Paru dans La France littéraire, artistique, scientifique en 1860.