Excelsior
Sur les monts escarpés, par la neige et la glace,
Le soir, quand tout se tait au loin et s’assombrit,
Seul et silencieux, un beau jeune homme passe,
Tenant une bannière où ce mot est inscrit :
Excelsior.
Son visage est pensif. Sous sa vive paupière
Son regard étincelle ainsi qu’un glaive nu.
Il marche, et d’une voix retentissante et fière
Il dit, en un langage aux pâtres inconnu :
Excelsior.
En cheminant, il voit dans la calme chaumière
La famille assemblée autour du feu riant
Qui dans l’obscur vallon projette sa lumière.
Rêveur, il la regarde, et dit en s’éloignant :
Excelsior.
« Oh ! prends garde, lui dit le vieillard du village,
Le sentier est étroit, le torrent est profond,
Et je vois par là-bas s’amasser un orage. »
À cet avis la voix du jeune homme répond :
Excelsior.
« Oh ! prends garde, lui dit le chasseur dont l’audace
Affronte les périls de la terre et de l’eau,
Prends garde à l’avalanche, au roc, à la crevasse ! »
Du haut d’un pic, ce mot résonne de nouveau :
Excelsior.
Sur le mont Saint-Bernard, dans leurs sombres chapelles,
Dans leurs champs désolés par d’éternels hivers,
Les bons religieux, à leurs veaux si fidèles,
Entendent un matin résonner dans les airs
Excelsior.
Un chien du Saisit-Bernard découvre dans la neige
Un jeune voyageur immobile et glacé,
Conservant dans sa main, que plus rien ne protège,
L’étendard sur lequel ce grand mot est tracé :
Excelsior.
Il est là, l’œil éteint et le visage pâle,
Mais souriant et beau comme en un doux sommeil.
Vers le ciel, éclairé par l’aube matinale,
Une voix dit, en haut d’un rayon de soleil :
Excelsior.
Henry Wadsworth LONGFELLOW.
Traduit par Xavier MARMIER.