Eau-morte

 

 

Il te faut dormir d’un sommeil sans rêve,

D’un sommeil sans trêve et sans souvenir ;

                  Il te faut dormir.

 

Il te faut dormir, car le jour s’achève ;

À peine miroite au creux du vieux port

                  Le flot qui s’endort.

 

La voile pesante, au mât repliée,

Ne se lève plus, spectre décevant,

                  Sous l’émoi du vent.

 

Vers elle, la mer n’a plus de risée,

Plus ne lui fait signe, au grand large éteint,

                  L’écumeux lointain.

 

Point de passagers, sur la nef sans vie,

Pour prendre avec elle un nouvel essor,

                  Ne saute à son bord.

 

Le temps se dissout, la source est tarie,

Au puits du Passé, d’où pourrait jaillir

                  Le fier avenir.

 

Il te faut dormir ; il te faut renaître

De ce pur oubli des jours besogneux,

                  Afin que les yeux

 

De l’amour qui seul sait voir et connaître

                  T’ouvrent d’autres cieux.

 

 

 

 

Hedwige LOUIS-CHEVRILLON,

Les îles du soir, collection

« Points et contrepoints »,

Éditions de la Revue moderne,

Paris 1972.

 

 

 

 

 

 

 

 

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