Je ne déplore pas…
Je ne déplore pas que le Savoir mûri
Ôte le charme qu’à l’enfance la Nature
Avait donné, car, pénétrant, il m’apporta
Plus de joie chaque jour que jadis la surprise ;
Le vrai ne coupe pas les ailes du poète :
Découvrir le secret d’un brin d’herbe au cœur simple,
C’est trouver une clef aux choses de l’esprit ;
Ce qu’à peine on pressent devient un art solide :
Les fleurs ne sont pas fleurs pour les yeux du poète,
Leur beauté par un sens intérieur le conquiert ;
Il comprend qu’apparences ne sont que mensonges,
Ou, tout au plus, ombres terrestres d’où son âme,
Qui cherche en lui la vérité, peut deviner
La présence de quelque merveille céleste.
James Russell LOWELL.
Recueilli dans Anthologie de la poésie américaine,
par Alain Bousquet, Stock, 1956.