L’essentiel

 

 

Nous espérions avoir le temps

D’avouer les choses émues

Qu’une sourde angoisse avait tues...

Tout fut trop bref. Je réentends

Les pauvres bouts de dialogues

Avant ton départ échangés.

Ils parlaient de maux passagers,

De température ou de drogues...

Vains propos ! Ce qu’il eût fallu

Redire à ton chevet sans cesse,

N’était-ce pas notre tendresse,

Tout soin devenant superflu ?

Hélas, dans un si court espace,

Et, surtout, sans nous effondrer,

Comment donc nous remémorer

Les jours de paix, le temps de grâce ?

... « Crois-tu que j’avais oublié

Que nous nous aimions ? Ne regrette

Plus tien, répond ta voix secrète.

Il fallait surtout délier

Mon âme encore prisonnière

De la chair pesante, il fallait,

Vers le Soleil qui l’appelait,

Guider dans l’ombre sa prière.

Vous l’avez fait. L’essentiel

Fut dit qui libère et déleste

L’âme en partance... Pour le reste

N’aurons-nous pas le temps au ciel ? »

 

 

 

Suzanne MALARD, Présence des Absents.

 

Recueilli dans Anthologie de la Société

des poètes français, tome 1, 1947.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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