Le point du jour
À mon Frère Léon Malézieux
PREMIER MOISSONNEUR
L’aube paraît et chasse le mystère ;
Tout se réveille autour de la chaumière.
Du coq alerte et matinal
Entendez-vous le gai signal ?
Frères, faisons à Dieu notre prière.
TOUS LES MOISSONNEURS
Souverain Maître, grand comme l’éternité !
Ô Dieu d’amour et de bonté,
Inspire-nous la charité.
UN MOISSONNEUR
La terre se colore
Et le point du jour dore
De vagues horizons ;
En perles la rosée
Scintille, déposée
Sur l’herbe et les buissons.
UN AUTRE
Dans les vertes prairies
Les fleurs épanouies
Emmaillent les gazons ;
De suaves haleines
Circulent dans les plaines,
Embaumant les sillons.
UN AUTRE
Du ruisseau l’onde pure
Mêle son doux murmure
Aux refrains des pinsons ;
Joyeuse, l’alouette
Monte, monte et répète
Dans les airs ses chansons.
PREMIER MOISSONNEUR
Unissons notre voix aux voix de la nature ;
Qu’elle s’élève, harmonieuse et pure !
Que nos hymnes à Dieu montent au ciel, mêlés
À ceux de mille êtres ailés !
Qu’aux quatre points puissent s’étendre
Ces chants si purs que l’âme sait comprendre,
S’unissant aux parfums, autres hymnes des blés,
Des bois, des fleurs, que l’on ne peut entendre,
Mais qui montent aussi vers les cieux constellés !
Soyons unis ! – Notre mère commune
À ses enfants sait donner chaque jour
Paix et bonheur, cette sainte fortune
Du travailleur dont le cœur n’est qu’amour.
Dispersons-nous par groupes dans la plaine,
Coupons les épis d’or qu’a mûris le soleil ;
Ne formons tous qu’une famille humaine :
À tous le Créateur fit un destin pareil.
Joachim MALÉZIEUX père.
Paru dans Poésie, 11e volume
de l’Académie des muses santones, 1888.