Paraphrase du psaume VIII
DOMINE DEUS NOSTER
Ô sagesse éternelle, à qui cet univers
Doit le nombre infini des miracles divers
Qu’on voit également sur la terre et sur l’onde :
Mon Dieu, mon Créateur,
Que ta magnificence étonne tout le monde
Et que le ciel est bas au prix de ta hauteur !
Quelques blasphémateurs, oppresseurs d’innocents,
À qui l’excès d’orgueil a fait perdre le sens,
De profanes discours ta puissance rabaissent ;
Mais la naïveté,
Dont mêmes au berceau les enfants te confessent,
Clôt-elle pas la bouche à leur impiété ?
De moi, toutes les fois que j’arrête les yeux
À voir les ornements dont tu pares les cieux,
Tu me sembles si grand, et nous si peu de chose,
Que mon entendement
Ne peut s’imaginer quelle amour te dispose
À nous favoriser d’un regard seulement.
Il n’est faiblesse égale à nos infirmités ;
Nos plus sages discours ne sont que vanité,
Et nos sens corrompus n’ont goût qu’à des ordures ;
Toutefois, ô bon Dieu,
Nous te sommes si chers, qu’entre tes créatures,
Si l’ange est le premier, l’homme a le second lieu.
Quelles marques d’honneur se peuvent ajouter
À ce comble de gloire où tu l’as fait monter ?
Et pour obtenir mieux quel souhait peut-il faire,
Lui que jusqu’au ponant,
Depuis où le soleil vient dessus l’hémisphère,
Ton absolu pouvoir a fait son lieutenant ?
Sitôt que le besoin excite son désir,
Qu’est-ce qu’en ta largesse il ne trouve à choisir ?
Et par ton règlement l’air, la mer et la terre
N’entretiennent-ils pas
Une secrète loi de se faire la guerre,
À qui de plus de mets fournira ses repas ?
Certes je ne puis faire, en ce ravissement,
Que rappeler mon âme, et dire bassement :
Ô sagesse éternelle, en merveilles féconde,
Mon Dieu, mon Créateur.
Que ta magnificence étonne tout le monde,
Et que le ciel est bas au prix de ta hauteur !
François de MALHERBE.
Recueilli dans Anthologie religieuse des poètes français,
t. I, 1500-1650, choix, présentation et notes d’Ivan Gobry,
Le Fennec éditeur, 1994.