Les vœux
CONTE
Alice était brune,
Et comme la lune
Pâle était son teint ;
Aline la blonde
Fraîche comme l’onde,
Au cœur doux et saint ;
Élise, châtaine,
Comme une fontaine,
Purs étaient ses yeux ;
Toutes trois charmantes
Toujours souriantes
Et venant des cieux.
Alice ainsi parlait : – « Je voudrais que ma vie
De concerts et de bals, chaque soir, fût remplie ;
Que jamais un chagrin ne me fît murmurer,
Et que mes jours, enfin, se passent sans pleurer. –
– Oh ! moi, disait Aline, il me faut peu de choses :
Je voudrais un beau champ tout parsemé de roses,
De jasmins, de lilas et d’orangers en fleur ;
C’est là, là seulement, que je vois le bonheur.
– Et moi, je voudrais mieux, reprit la jeune Élise.
Je voudrais sur mon front voir se jouer la brise ;
Une esclave à genoux me servir en riant ;
Un parfum d’Arabie, un tapis d’Orient ;
Dans une coupe d’or, le nectar, l’ambroisie ;
Un chant doux et lointain rempli de poésie ;
Et la nuit, respirant sous l’ombrage embaumé,
Voir le regard d’un ange en rayon transformé. – »
– Elles parlaient ainsi quand arrive une fée,
Dans un char de cristal et de roses coiffée :
De chaque jeune fille elle accomplit les vœux,
Les baisa sur le front, et monta vers les deux !
Elle allait consoler ailleurs de jeunes filles,
Ou de pauvres vieillards ou de tristes familles ;
Et du nord au couchant, des lambris aux grabats,
La foule bénissait l’empreinte de ses pas.
Elle reçut bientôt des sœurs une prière :
Bonne, elle descendit dans son char de lumière.
Alice dans les bals s’ennuyait à mourir ;
Dans les champs et les prés, Aline allait périr ;
Élise détestait la terre du Prophète ;
Les parfums d’Orient lui montaient à la tête,
Elles priaient la fée et les trois jeunes sœurs
Regrettaient un passé, les yeux baignés de pleurs.
La bonne fée alors leur dit d’une voix tendre :
« Au bonheur, ici-bas, il ne faut point s’attendre.
Il n’est qu’au ciel, enfants, sachez le mériter,
Et par mille vertus il vous faut l’acheter. »
Élise MALLERANGE.
Paru dans La Muse des familles en 1858.