L’Agneau
Un Agneau se tient debout dans le midi noir
Du monde, seul dans le soleil de la force
Et le rire horrible des hommes. L’écorce
Des paupières flambe sous l’haleine de la luxure
Et de la haine, masque contre masque. Le pouvoir
De l’ombre est profond, l’embrasement et le murmure
De l’ombre, sur les paysages du cœur. La nuit
En plein jour se nourrit d’un feu d’or et d’épines,
Et l’odeur noire est exquise aux narines
De l’âme. Ô parfum des sources de la première nuit !
L’Agneau se tient debout sur un lit
D’herbes amères, les pattes nouées
Par des liens de sang et de douceur. Il suit
Des yeux la main armée
Qui descend,
Redonne le coup de grâce, et tire le sang
De quelle inépuisable source. Un délire
De joie ronfle autour du crime, le rire
A gagné jusqu’aux cimes, le bel éloignement
De l’absence. Et l’Agneau aux yeux de silence,
Aux yeux de source que nul homme ne peut tarir,
Se tient debout sur cette plaine en sang,
Dans un soleil d’amour et de patience.
Monte Cristallo, 17 juillet 1964.
Jean MAMBRINO, Le Veilleur aveugle, 1965.