La lettre

 

 

La lettre qui m’arrive est de noir entourée :

Elle annonce la mort et j’hésite à l’ouvrir ;

Mon âme n’est jamais tranquille et rassurée

À cette voix qui dit : « Quelqu’un vient de mourir ! »

 

Ami, vieillard, enfant, fille ou femme adorée,

Quel est le corps glacé qu’un marbre va couvrir ?

Sous quel toit la douleur est-elle encore entrée ?

Qui va porter le deuil, et quels cœurs vont souffrir ?

 

Je devrais le savoir ! mais l’heure est trop remplie.

De délais en délais, l’âme en soi se replie :

On remettait hier, on oublie aujourd’hui :

 

À l’ami de vingt ans on ajourne un sourire ;

Et la lettre de mort un matin vient vous dire :

« Vous ne le verrez plus jamais !... Priez pour lui ! »

 

 

 

Eugène MANUEL.

 

Paru dans Le Chercheur, revue éclectique, en 1889.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net