L’arbre
Je suis comme le cri du sol vers la lumière.
J’ai bu la force du soleil.
Mes rameaux ont capté le vol dru des rayons.
Par mes racines aux longes sinueuses,
J’ai sucé le sang de la terre.
Et pour m’en composer des muscles et des nerfs
J’ai ramassé toute la vigueur sereine
Qui bossue l’écorce de la terre.
J’ai puisé le réveil de mes sèves
En la vertu viride et neuve des aubes.
Voici que mon cerveau feuillu se ramifie
Sous la poussée véhémente des sucs.
Et je me dresse, me hérisse, puissant et lourd,
Vers le ciel embrasé d’astres.
Mes milliers de doigts fouillent le noir profond.
Je mesure l’obscur paysage des nuits.
Tout mon corps est cerné par le silence opaque.
Mais bientôt le miracle du jour s’accomplit.
Le rideau des ombres frissonne.
Un œil rouge a foré l’épaisseur des ténèbres.
Voici qu’autour de moi, nettes, prodigieuses,
Les figures de l’existence se précisent.
Et ma chair rugueuse respire la clarté.
Une floraison lumineuse embaume l’air.
Hosannah ! chante le jour en mon feuillage !
Le monde végétal proclame en moi sa force.
La sève généreuse afflue jusqu’à mon faîte,
Et lentement accru, je continue
Ma lente ascension vers la lumière.
Clément MARCHAND,
Les soirs rouges, 1947.