Bonheur sans prospérité
À Madame Marie Bon
Oui, dans ce siècle étrange où règne la matière,
Où tant de beaux esprits nous égarent souvent,
Il faut que notre foi demeure tout entière,
Il ne faut pas flotter au caprice du vent.
Soyons fermes ; surtout que notre confiance
Montre aux plus hésitants l’étendard du salut.
Il en est tant qui, par excès de confiance,
S’éloignent du chemin qui conduirait au but.
Le bonheur vrai n’est pas une de ces idoles
Qu’on peut à volonté soustraire à nos regards,
Mais il n’est pas non plus dans les choses frivoles
Que le siècle poursuit avec des yeux hagards.
Mais Dieu, qui mit en nous la lueur fugitive,
Ce besoin incessant de la félicité,
A donné les moyens de la rendre captive
Et veut qu’on soit heureux sans la prospérité.
J. MARCHAND.
Paru dans Poésie, 11e volume
de l’Académie des muses santones, 1888.