Pèlerinage en Saintonge
Le lourd soleil d’été sombrait à l’horizon
Lorsque j’ai pris la route imprévue et sereine
Qui conduit pas à pas jusqu’à votre maison,
Jusqu’au foyer d’aurore où vous êtes la Reine.
Une allègre douceur montait avec le soir
En les bois endormis et la paix des villages,
Car aviez choisi, pour que j’aille vous voir,
De ranimer pour moi le chemin des vieux âges.
Et votre nom sonnait au rythme de mes pas,
Avec âme en fête et les grains du rosaire :
C’était une cadence où l’on ne s’endort pas
Quand l’étape à franchir se fait une prière.
Le ciel, sur l’Océan, dégradait ses couleurs
Pour les tendres adieux d’un crépuscule rose,
Mais je ne voyais plus les horizons en fleurs
Ni les blés mûrissants où la nuit se repose.
Cette ombre qui flottait sur les vallons prochains,
C’était l’obscurité d’une jeune aventure,
Et c’était la clarté qui monte sur nos mains
Quand fuit le pas léger d’un jour sans forfaiture.
J’entendais murmurer la chanson des bois noirs
Jusqu’à la nef heureuse et pure, ô Notre Dame,
Où des siècles d’amour ont porté leurs espoirs,
Avec la foi sans tache où s’éveille la flamme.
Il m’arrivait d’errer, sans souci du chemin,
Jusqu’au seuil détourné de vos lointains villages
Où montait la senteur vivante du jasmin,
Sous de longs peupliers qui traçaient leurs sillages.
Mais la halte du soir qui m’attendait chez vous
Avait trop de splendeur pour que mon cœur refuse
De savourer la paix que vous gardez pour nous,
Lorsque vos pèlerins s’en vont vers Corme-Écluse !
Jean-Abel MARCHAND.
Paru dans la revue Marie
en septembre-octobre 1955.