Le sourire de Notre-Dame de Recouvrance
Appuyé sur le vent comme un oiseau d’orage
Dans la clameur du monde et ses mouvantes eaux,
Notre Dame de Recouvrance, un nouvel âge
Retrouve auprès de vous la fraîcheur des roseaux.
Voici votre beauté millénaire et prochaine
Qui renaît pour nos jours et leurs matins chantants,
Image lentement jaillie au cœur du chêne,
Ainsi qu’au fond des nuits l’âme exquise des temps.
Vous nous rendez la grâce antique et le sourire
Que la foi du passé lisait dans le ciel clair,
Ce visage de proue au seuil blanc du navire
Quand les barques du soir descendent vers la mer.
Tous les parfums sont vains sans la fleur qui les donne,
Mais vous ressuscitez les roses d’autrefois,
Ces roses de Saintonge où, jusqu’aux nuits d’automne,
S’exhale la vertu de nos jeunes émois.
Nous vous reconnaissons, ô Vierge austère et tendre,
C’est vous que nos aïeux, en des siècles lointains,
Malgré le vent d’hiver, savaient toujours entendre,
Pour ranimer l’espoir parmi les feux éteints.
Car votre jeune image a su graver en elle
La splendeur d’un amour qui ne se flétrit pas :
Vous demeurez vivante, et proche, et maternelle,
L’immuable jeunesse a fleuri sous vos pas.
Quand le pâtre des temps rassemblera les hommes,
Quand la meule des jours aura broyé l’orgueil,
C’est vous qui mènerez les enfants que nous sommes
Vers l’éternelle aurore et l’invisible seuil.
Car nous aurons gardé votre unique présence,
Pour aimer, par delà les étés et leurs fruits,
Auprès de vous, Notre Dame de Recouvrance,
La beauté sans mesure où Dieu nous a conduits...
Jean-Abel MARCHAND.
Paru dans la revue Marie
en juillet-août 1952.