Ne brisons pas leurs ailes
Enfant, lorsque tu vois un papillon qui passe,
Prodiguant les baisers aux myrtes du chemin,
Ah ! pourquoi le saisir ? N’est-ce pas inhumain
De le priver ainsi de verdure et d’espace ?
L’insecte dans l’azur c’est le rêve divin
De notre âme fuyant la terre de disgrâce,
C’est le vol du désir vers la joie ou la grâce,
À travers les sentiers d’un paradis lointain.
Ici-bas tout est laid et tout n’est que mensonges.
Au moins que nous puissions, sur l’aile de nos songes,
Monter où n’atteint pas le souffle impur du mal !
Mettons un frein solide à nos instincts rebelles ;
Laissons, pour leur bonheur, aux âmes l’idéal,
Aux papillons les airs : ne brisons pas leurs ailes !
B. MARGERIE.
Paru dans L’Année des poètes en 1896.