Le prisonnier

 

 

Votre serviteur est dans les fers

À l’ombre de la mort

Délivrez-le Seigneur

Je vois son visage derrière la grille

Comme celui d’un saint sur les images de piété

Son large visage et ses yeux proéminents

Et la frange de ses cheveux noirs sur le front

Avec quelques traits de laine blanche

Il ressemble au Christ

De Quentin Matsys

Il regarde droit devant lui

Etonné du malheur

Il voit le ciel de Dieu

Et que tout sera bien

Mais non il n’est pas encore peint sur les images

Il est assis sur son grabat

Sa tête est pliée dans ses bras

Il pleure

Il est seul au milieu d’ennemis

Qui haïssent tout ce qu’il aime

À qui sa bonté son esprit

Ne sont rien qu’objet de mépris

Il est prisonnier de son innocence

Il garde patience

Comme son Maître Jésus-Christ

Et il est triste jusqu’à la mort comme lui

Il a tant aimé la justice

Il ressemble au Christ de Quentin Matsys

Il apprend la langue du ciel

 

 

 

Raïssa MARITAIN, Au creux du rocher,

Alsatia, 1954.

 

 

 

 

 

 

 

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